16 mars 2009

La confiance en soi et le tabagisme

par Monique Osman

Monique Osman est enseignante de biologie à l’Education nationale et dans les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Elle est tabacologue et s’investit depuis une quinzaine d’années dans diverses associations (dont Paris Sans Tabac et l’OFT).
Mme Osman est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont les deux suivants sur le tabagisme des jeunes : Pourquoi la cigarette vous tente ? éditions La Martinière Jeunesse et Je fume si je veux, livret publié par l’OFT.


Parmi tous les facteurs susceptibles d’inciter un jeune à prendre sa première cigarette, ou au contraire à la refuser, la confiance en soi, n’est pas le moindre. Cette confiance oscille entre insuffisance et excès, en fonction de son parcours personnel, de son environnement, de son rapport aux autres et des différentes étapes de son cheminement de fumeur.

Le petit d’humain, nourrisson, petit enfant, préadolescent puis adolescent, et enfin jeune adulte, développe, en fonction des caractéristiques innées de sa personnalité, mais aussi de ses expériences relationnelles, notamment avec ses parents, une perception plus ou moins positive de sa propre valeur. Cette perception se traduit par un degré variable de confiance en soi. On peut se poser la question de savoir quel est l’impact de cette confiance et son rôle dans le fait de devenir fumeur, mais aussi dans le fait de parvenir à ne plus l’être ?

En effet, pourquoi, alors que les premières bouffées d’une cigarette ne leur apportent aucun plaisir physique, voire de nombreux désagréments (toux, nausées, difficultés respiratoires, irritations oculaires…), certains jeunes persistent à continuer à fumer quand d’autres abandonnent leurs cigarettes sans regret ? À défaut de bien-être physique, fumer ne leur apporte-t-il pas des « bénéfices psychologiques » qui vaillent d’endurer ces désagréments ? Et quels sont ces bénéfices ?

L’adolescence, on le sait, est une période au cours de laquelle le corps, comme le psychisme, sous l’effet de ses hormones sexuelles, se modifie. L’image qu’il a de lui-même en est perturbée : ni enfant, ni adulte, il traverse une crise identitaire susceptible de lui faire perdre confiance en lui.

La cigarette, qui est un attribut de l’adulte, peut devenir la béquille qui le soutient, fantasmatiquement, en le leurrant au point de lui laisser croire qu’il est devenu grand ! Accessoire magique, sa seule présence à ses lèvres ou entre ses doigts, suffirait à le rassurer sur le fait qu’il soit devenu un adulte, par le seul fait d’avoir revêtu, avec la cigarette, la panoplie de l’adulte !

Ce manque de confiance en soi favoriserait l’induction du tabagisme chez nombre de jeunes, quand bien même ils connaissent les difficultés rencontrées par les fumeurs qui veulent arrêter de fumer. Mais paradoxalement, ce sont ces mêmes jeunes qui surestiment en même temps leurs capacités, quand ils assurent pouvoir arrêter de fumer quand ils le veulent, passant d’un défaut à un excès de confiance en eux !

Des années plus tard, alors que, devenus fumeurs, ils souhaitent ne plus fumer, c’est à nouveau un manque de confiance en eux qui, le plus souvent, les dissuade de croire qu’ils peuvent y arriver. La joie que manifestent les fumeurs qui réussissent leur sevrage tabagique est probablement l’expression de cette confiance en eux retrouvée, confiance qui peut les inciter à partir gagnants, dans la vie, pour d’autres défis !

Le degré de confiance en soi, que tout individu peut s’accorder, joue un rôle important en ce qui concerne le fait qu’il adopte tel ou tel autre type de comportement. On sait que les facteurs individuels propres à chacun d’entre nous – qu’ils soient innés, comme une certaine vulnérabilité psychique, ou acquis, consécutifs aux effets d’une éducation dévalorisante – vont former le lit de nombreux comportements à risques, tels les consommations de substances psychotropes ou les addictions sans substances (jeux vidéo, Internet, sports extrêmes, etc.).
À charge pour les parents et les éducateurs d’assurer aux jeunes dont ils ont la charge, le respect et l’estime dont tout être humain doit bénéficier pour avoir de lui-même une perception positive. Perception suffisamment gratifiante pour le protéger de toute tendance à vouloir dissimuler ses failles en se réfugiant dans les « paradis artificiels » des conduites à risques.