16 mars 2009

La confiance dans le concours Classes Non Fumeurs

Le thème de la confiance est en filigrane dans bien des aspects du programme Classes Non Fumeurs.

En effet en tant qu’adulte, enseignant, éducateur ou soignant, vous savez que les choses ne sont pas simples et que la confiance n’est pas une donnée stable, définitive et invariable. Comment jouer le jeu et rester à sa place d’adulte si ce n’est en travaillant sur la confiance que l’on peut progressivement avoir avec une classe dans le respect de chacun, de ses différences et des liens qui s’élaborent entre les élèves et l’adulte et entre élèves.

Vous qui êtes au plus près des jeunes, vous pouvez savoir ou avoir deviné que l’un ou l’une de vos élèves fume, même s’il (ou elle) n’en parle pas. Pour qu’il puisse s’exprimer, parler de son comportement face à la cigarette cela peut prendre un certain temps et demande, en plus de votre bienveillance et de votre disponibilité, qu’il (ou elle) ait confiance en vous. C’est en créant des possibilités d’échanges et de dialogue sur le sujet du tabac et des premières expérimentations que vous amènerez vos élèves à discuter et à parler librement avec vous et avec toute la classe.
Inutile de mettre la pression… l’un des atouts de Classes Non Fumeurs est que ce programme se déroule sur six mois, ce qui laisse le temps à la parole et à la relation de s’établir.

Un certain temps est nécessaire pour aborder ce thème qui touche aux comportements personnels chez eux comme chez vous. Ne vous préoccupez pas des validations mensuelles, si vous avez le sentiment que vos données ne sont pas tout à fait justes. Nous donnons priorité à la qualité de la relation que vous mettez en place et dont vous êtes seuls juges.

Dans un climat de respect et de mise en confiance réciproque, certains élèves vont pouvoir parler un peu d’eux-mêmes à travers leurs premières expériences avec le tabac ou à travers les représentations qu’ils ont du produit, des fumeurs en général et de leurs proches fumeurs si tel est le cas. Inutile de dramatiser ces premières consommations, l’inquiétude n’a jamais rien arrangé. En revanche, sollicitez le soutien de leurs camarades et rappelez que ces quelques cigarettes concernent la classe entière qui est partie prenante du programme. Les aides et les résolutions de problème surviendront collectivement par la mise en commun de toutes les idées.

En tant qu’adulte, vous êtes garant du climat de la classe. Il est important de conserver une dimension collective à ce programme qui n’existe que par la participation de tous. Votre expérience des groupes vous donne la possibilité de transmettre certains messages : tolérance et soutien des copains envers les élèves qui ont pu expérimenter la cigarette ou qui fument déjà.
Cela signifie notamment que vous ne révéliez pas aux parents que leur enfant fume, s’ils ne sont pas au courant. C’est une condition nécessaire à cette relation de confiance et au travail collectif permettant aux élèves de participer à ce projet qui les concerne fortement et qui doit les amener vers une vie sans tabac.

La réflexion de notre parrain Yann Cucherat sur le thème de la « confiance »


La confiance n’est pas une qualité innée, acquise avec la naissance ; c’est le fruit d’un travail, d’un effort sur soi et même je le pense vraiment d’un courage.

L’oisillon qui est poussé hors du nid par sa mère ne se pose pas la question de savoir s’il a assez de confiance en lui pour pouvoir gérer la hauteur de la chute, il bat des ailes et trouve instinctivement une aptitude inscrite en lui : il n’en avait pas conscience mais il savait déjà.

L’individu lui possède la pleine perception de ses agissements. Par l’expérience individuelle et par intuition immédiate, il a pleine conscience de ce qu’il fait et cette acuité renforce des sentiments positifs ou négatifs vis-à-vis de lui-même, lui renvoie l’image qu’il se fait de lui. La confiance en soi participe de cette construction. Elle est le résultat d’un combat, la récompense d’un travail sur soi, le sentiment éprouvé en retour d’une démarche volontaire qui exige effort assidu, maîtrise de soi et dépassement.

Pour un sportif comme moi, qui ai choisi la gymnastique sportive comme discipline et art de vie, la confiance passe par la maîtrise de plusieurs paramètres :

- Une préparation sérieuse : mettre tous les atouts de son côté ; un travail minutieux, répété, rigoureux et la passion pour ce que l’on fait. Un investissement total, synonyme de stabilité, de sécurité qui écarte l’aléatoire, la chance, le danger. Ce qui aboutit à un athlète en forme, un gymnaste entraîné, au sommet de ses exigences.

- La gestion des compétitions : acquérir la maîtrise par l’habitude et l’expérience des facteurs déstabilisants. Abstraction du contexte de l’enjeu, maîtrise des facteurs émotifs.

- L’image de soi : connaître ses capacités et ses possibilités.

Justement, les Grecs qui ont inventé les jeux Olympiques nous proposent parmi d’autres deux règles de sagesse :
- le célèbre principe « Connais-toi toi-même » dont nous venons de parler,
- et la seconde maxime, moins connue, « Rien de trop ».

Pour ce qui est du « Rien de trop », les grands champions ne sont pas à l’abri, dans leur quête effrénée de performances et de podiums, de basculer, comme le dénonce parfois l’actualité sportive, dans la toxicomanie par la tentation de la tricherie et donc du dopage. Même le grand sportif n’est pas à l’abri de ses faiblesses.

Pour revenir au vol de l’oiseau, celui-ci est imperfectible. Il est déjà parfait. La chance pour l’homme, c’est son manque de confiance en lui, cela lui permet de se perfectionner, de grandir.

La confiance en soi et le tabagisme

par Monique Osman

Monique Osman est enseignante de biologie à l’Education nationale et dans les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Elle est tabacologue et s’investit depuis une quinzaine d’années dans diverses associations (dont Paris Sans Tabac et l’OFT).
Mme Osman est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont les deux suivants sur le tabagisme des jeunes : Pourquoi la cigarette vous tente ? éditions La Martinière Jeunesse et Je fume si je veux, livret publié par l’OFT.


Parmi tous les facteurs susceptibles d’inciter un jeune à prendre sa première cigarette, ou au contraire à la refuser, la confiance en soi, n’est pas le moindre. Cette confiance oscille entre insuffisance et excès, en fonction de son parcours personnel, de son environnement, de son rapport aux autres et des différentes étapes de son cheminement de fumeur.

Le petit d’humain, nourrisson, petit enfant, préadolescent puis adolescent, et enfin jeune adulte, développe, en fonction des caractéristiques innées de sa personnalité, mais aussi de ses expériences relationnelles, notamment avec ses parents, une perception plus ou moins positive de sa propre valeur. Cette perception se traduit par un degré variable de confiance en soi. On peut se poser la question de savoir quel est l’impact de cette confiance et son rôle dans le fait de devenir fumeur, mais aussi dans le fait de parvenir à ne plus l’être ?

En effet, pourquoi, alors que les premières bouffées d’une cigarette ne leur apportent aucun plaisir physique, voire de nombreux désagréments (toux, nausées, difficultés respiratoires, irritations oculaires…), certains jeunes persistent à continuer à fumer quand d’autres abandonnent leurs cigarettes sans regret ? À défaut de bien-être physique, fumer ne leur apporte-t-il pas des « bénéfices psychologiques » qui vaillent d’endurer ces désagréments ? Et quels sont ces bénéfices ?

L’adolescence, on le sait, est une période au cours de laquelle le corps, comme le psychisme, sous l’effet de ses hormones sexuelles, se modifie. L’image qu’il a de lui-même en est perturbée : ni enfant, ni adulte, il traverse une crise identitaire susceptible de lui faire perdre confiance en lui.

La cigarette, qui est un attribut de l’adulte, peut devenir la béquille qui le soutient, fantasmatiquement, en le leurrant au point de lui laisser croire qu’il est devenu grand ! Accessoire magique, sa seule présence à ses lèvres ou entre ses doigts, suffirait à le rassurer sur le fait qu’il soit devenu un adulte, par le seul fait d’avoir revêtu, avec la cigarette, la panoplie de l’adulte !

Ce manque de confiance en soi favoriserait l’induction du tabagisme chez nombre de jeunes, quand bien même ils connaissent les difficultés rencontrées par les fumeurs qui veulent arrêter de fumer. Mais paradoxalement, ce sont ces mêmes jeunes qui surestiment en même temps leurs capacités, quand ils assurent pouvoir arrêter de fumer quand ils le veulent, passant d’un défaut à un excès de confiance en eux !

Des années plus tard, alors que, devenus fumeurs, ils souhaitent ne plus fumer, c’est à nouveau un manque de confiance en eux qui, le plus souvent, les dissuade de croire qu’ils peuvent y arriver. La joie que manifestent les fumeurs qui réussissent leur sevrage tabagique est probablement l’expression de cette confiance en eux retrouvée, confiance qui peut les inciter à partir gagnants, dans la vie, pour d’autres défis !

Le degré de confiance en soi, que tout individu peut s’accorder, joue un rôle important en ce qui concerne le fait qu’il adopte tel ou tel autre type de comportement. On sait que les facteurs individuels propres à chacun d’entre nous – qu’ils soient innés, comme une certaine vulnérabilité psychique, ou acquis, consécutifs aux effets d’une éducation dévalorisante – vont former le lit de nombreux comportements à risques, tels les consommations de substances psychotropes ou les addictions sans substances (jeux vidéo, Internet, sports extrêmes, etc.).
À charge pour les parents et les éducateurs d’assurer aux jeunes dont ils ont la charge, le respect et l’estime dont tout être humain doit bénéficier pour avoir de lui-même une perception positive. Perception suffisamment gratifiante pour le protéger de toute tendance à vouloir dissimuler ses failles en se réfugiant dans les « paradis artificiels » des conduites à risques.